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Une descente du Rhin dans un canot en papier

Tanneguy de Wogan descend le Rhin en 1884 dans un canot en papier, depuis la sortie du Lac de Constance jusqu’à la mer.

Ce hardi nautonier a raconté ses aventures dans un livre : « Voyages du canot en papier, le Qui-Vive », édité en 1887 par la Librairie Hachette. Le livre de Tanneguy de Wogan se développe sur un grand périple sur les eaux intérieures continentales et par mer,  avec certains parcours de liaison en chemin de fer, allant de Paris au Golfe du Lion par la Saône et le Rhône, puis les lacs de Neuchatel, des Quatre-Cantons, de Zurich, la Limmat, le Lac de Constance, le Danube, le Rhin, puis jusqu’au Havre par mer,  etc…

Emile-Tanneguy de Wogan, fils du baronnet Emile-Edouard de Wogan (1817-1891), né le 23  novembre 1850 à Paris, est connu comme homme de lettres, voyageur et économiste. Si on lui attribue à tort l’invention du canot en papier, il reste l’inventeur, entre autres,  de la jumelle Eclair à mise au point et à fermeture automatique instantanée, d’un système de torpillage et de contre-torpillage électro-magnétique, d’un procédé de durcissement de l’acier, d’un système de renflouement et de sauvetage des navires…

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En 1886 T. de Wogan fut envoyé par la « Société de Géographie » pour reconnaître le source exacte du Danube, mission dont il s’acquitta avec succès, rectifiant par la même occasion plusieurs autres points douteux dans la géographie de ce fleuve. On lui doit deux ouvrages en langue anglaise : « Success in life » et « An Epitome of Yachting », ainsi que plusieurs brochures ou volumes en français, notamment : « Les moyens de vivre pour dix sous par jour à l’aide du végétarisme » (1882), « Se nourrir avec économie » (1882), « Les budgets de 800 francs et l’Epargne » (1883), « Des moyens à employer pour encourager la prévoyance », « Le bien-être et le Pauvre », « Réformes politiques, sociales et alimentaires », « Comment un sou devint 20.000 francs » (1886), « Le vie à bon marché » (1887), « Conseils aux parents et aux instituteurs sur la manière d’élever et d’instruire les enfants », « Epitome de Yachting » (1893), « Eva » drame en cinq actes, « Manuel de l’homme de mer » (1894), « Guide-Manuel des Gens de Lettres ».

Tannequy de Wogan est donc un précurseur en divers domaines. Au moment des voyages en cause, en 1884, ce n’est plus un tout jeune homme, mais un homme dans la force de l’âge, 34 ans, qui cache sa calvitie sous sa casquette de capitaine du « Qui-Vive » !
Ce canot en papier est une sorte de kayak de 5,10m de long, 0,65m de large, et d’un enfoncement de « quelques centimètres » . Son poids « tout mouillé » est de 25 kg. Il peut recevoir une charge de 250 kg. Tanneguy de Wogan transporte habituellement 50 kg de bagages, ce qui avec ses 75 kg, donne un chargement total de 125 kg. Le « Qui-Vive » navigue à la pagaie et à la voile.

Les différentes étapes du voyages (chapitres du livre)
01-AVANT LE COUP DE PAGAIE
02-DE PARIS AU GOLFE DU LION
03-SUR LE LAC DE NEUCHATEL
04-SUR LE LÉMAN
05-A LUCERNE; LES LACS DES QUATRE-CANTONS ET DE ZOUG
06-LE LAC DE ZURICH ET LA LIMMAT
07-LE LAC DE CONSTANCE
08-SUR LE LAC DE TRAUN (HAUTE-AUTRICHE)
09-DONAUESCHINGEN ET LE HAUT DANUBE
10-LA DESCENTE DU RHIN JUSQU’A BALE
11-LE RHIN DE BALE A MAYENCE
12-DE MAYENCE A ANVERS
13-DE COLOGNE A L’ARCHIPEL ZÉLANDAIS
14-DE WILLEMSTAD A CALAIS
15-DE CALAIS AU HAVRE

Illustration du chapitre 2 par Jules Girardet
Illustration du chapitre 10 par Jules Girardet

Voici le détail des chapitres 10 à 12, décrivant les aventures de Tanneguy de Wogan sur le Rhin

En canot en papier de Québec au Golfe du Mexique (Nathaniel Bishop)

Tannequy de Wogan nous dit qu’il n’est pas « l’inventeur » du canot en papier, et nous renvoie pour une description  détaillée à l’ouvrage de N.H. Bishop : « En canot en papier de Québec au Golfe du Mexique – 2.500 milles à l’aviron » Plon Editeur 1879.


N.H. Bishop indique dans le Chapitre V de son livre (pp.49-61), que l’idée de construire un canot en papier, reviendrait, en 1867, à M. Waters, de la maison Waters et fils, une manufacture de cartonnage de Troy, Etat de New-York. Il donne des détails sur la technique de construction de ce fameux canot en papier, mise au point par M. Waters, ainsi que différents modèles dudit canot.

En fait, Tanneguy de Wogan a fait construire son canot en papier, le « Qui-Vive », par M. Tellier, « constructeur au Quai de la Rapée » à Paris, qui s’est sans doute inspiré des indications données par M. Bishop.

The unknown river (PJ Hamerton)

Une intéressante mise au point a été publiée par P.G. Hamerton, dans « Le Yacht » de 1887 : Philip Glibert Hamerton dit qu’il a construit chez lui, à Pré-Charmoy, près d’Autun, après plusieurs essais, un canot en papier en août 1866, la « Caroline », avec lequel il a exploré tout le cours de l’Arroux, depuis Voudenay-l’Eglise, jusqu’à son débouché dans la Loire. P.G. Hamerton a publié sa descente de l’Arroux sous le titre : « A canoe voyage », dans « The Fortnightly Review », London, February 1867 (pp. 177-196).

Couchant tantôt dans les auberges de village, le long de l’Arroux, tantôt dans son canot en papier, l’auteur descend lentement la rivière, profitant des beaux paysages pour les dessiner, en artiste-graveur qu’il est. Dans le style de Robert L. Stevenson, il nous raconte ses entretiens avec les villageois rencontrés, les maires-aubergistes de St-Nizier et de Toulon-sur-Arroux, le forgeron de Laisy, et ses remarques à propos d’un mariage auquel il participe, à Laisy également. Le récit de cette pittoresque descente de l’Arroux fut publié une seconde fois Par P.G. Hamerton en 1871, sous le titre « The unknown river ».

illustration de la descente de l’Arroux par PG Hamerton

illustration de la descente de l’Arroux par PG Hamerton

Notons que P.G. Hamerton publie sa descente de l’Arroux dans un canot en papier en Février 1867, et que M. Waters aurait eu l’idée de construire son canot en papier en mars 1867, soit un mois plus tard. M. Waters, en Amérique, a-t-il eu connaissance du n° de Février 1867 de « The Fortnightly Review », « une revue très connue en Angleterre », dit P.G. Hamerton ?

L’antériorité de « l’invention » du canot en papier reste bien à P.G. Hamerton, la « Caroline » étant le précurseur  (1866);  P.G. Hamerton a cependant  « reconnu très volontiers que les améliorations qui ont fait entrer les bateaux en papier dans le commerce sont dues à M. Waters »

Un canot en papier (A Boekholt)

Albert Boekholt dit Wébé, est un auteur et éditeur français né à Nantes le 30 avril 1901 et mort à Paris le 15 mai 1974. À la fin des années 1920, membre de l’équipe dirigeante des Éclaireurs unionistes de France, il crée et dirige les éditions La Flamme en vue de promouvoir la littérature scoute. Jusqu’en 1939, les éditions publient une série d’ouvrages sur des techniques diverses de travaux manuels.

Dans l’ouvrage « Tours de mains, loisirs d’éclaireurs » publié en 1937, le dernier chapitre est consacré à la fabrication d’un canot en papier.
La description précise de chaque pièce de la structure en bois et la méthode d’encollage du papier permettent au bricoleur averti une réalisation sans faille.

Pour en savoir plus

▶ Philip Gilbert Hamerton (1867) – « A canoe voyage », The Fortnightly Review, John Morley, London Edit. February 1867, pp. 177-196.

▶ N.H. Bishop (1879) – « En canot en papier de Québec au Golfe du Mexique – 2500 milles à l’aviron »- Traduit par M. Hephel – Plon Editeur.

▶ Tanneguy de Wogan (1887) – « Voyages du canot en papier, le Qui-Vive », Hachette, 352 pp.

▶ P. G. Hamerton (1887) – « Les canots en papier », dans la Revue « Le Yacht », n° 491.

▶ A. Boekholt (1946)- « Tours de mains » , Imprimeries Wolf, Rouen – 3ème édition, (pp. 118-123)

Les ouvrages de Tanneguy de Wogan à la BNF

Les gravures de PG Hamerton au British Museum