La Reine des poissons

Le pêcheur de la Moselle, Meurotte  trouva un jour dans ses filets une bien curieuse prise. C’était un joli corps de fée finissant en queue de poisson !

« Meurotte ! dit la créature, je suis la Reine des poissons. Tu as l’air d’un honnête homme. Rejettes-moi à l’eau, mon garçon ! Je te promets alors de prendre poissons et friture en toutes saisons : brochets et brochetons, carpes et carpillons, ablettes et goujons !»

Meurotte, qui avait le cœur bon, rejeta dans la Moselle la pétillante demoiselle.
Il prit alors tant de poissons qu’il eut peine à les porter à la maison.

A sa femme il conta son extraordinaire aventure. C’était une femme acariâtre d’humeur morose qui lui dit d’un air bougon : « Pourquoi avoir relâché cette Reine des poissons ? Je veux la manger, moi, au court-bouillon !»

Le pauvre mari promit, le cœur plein de tristesse, et repartit à la pêche, espérant revenir bredouille.
Hélas ! au premier coup de filet qu’il jeta, ce fut la Reine des poissons qu’il captura.
« Majesté, je suis désolé. Ma femme veut vous croquer ! Ce que femme veut, Dieu le veut ! Je vous prie de m’excuser, mais si vous connaissiez celle que j’ai épousée, vous comprendriez sans peine ! »

« Bah ! Tant pis, répondit la Reine des poissons, parole de sirène, si elle me cuit, il lui en cuira ! »

La femme la mit dans la marmite avec laurier, bouquet garni, carottes et oignons. Puis elle mangea sans plus de façon la pauvre Reine des poissons, sans en laisser une miette.
Sa satisfaction fut de courte durée, un mal étrange l’envahit très rapidement. Elle devint rouge comme une betterave pourrie. Elle fut couverte de boutons et pustules, et dévorée de démangeaisons, et se mis à se gratter frénétiquement en poussant des hurlements de souffrance.

 Appelé sur les lieux,  l’apothicaire diagnostiqua un urticaire, mais ne put rien faire, et au petit matin, la mégère n’était plus de ce monde.

C’est sur que plus jamais elle ne mangea de poisson !