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Les villages d’Alsace détruits par les inondations du Rhin

On  compte quelque cinq cents villages disparus en Alsace, dont environ deux cents dans le Département du Haut-Rhin.
Différentes  causes sont à l’origine de la disparition de tant de villages : les invasions des mercenaires dits « Anglais » au XIVe siècle, des « Armagnacs » en 1444, surnommés « die Schinder » ( les écorcheurs ), des Suisses en 1468,  puis la Guerre de Trente Ans ( 1618 – 1648 ), les épidémies, les incendies, et enfin les inondations et les glaces du Rhin pour les villages riverains du fleuve.
Une douzaine de villages ont été rayés de la carte  à la  suite des inondations du Rhin, essentiellement dans le Département  du Bas-Rhin.

     Notre propos n’est pas de détailler ici la chronologie ni la propagation des crues du Rhin, dont la liste est impressionnante, et non moins impressionnants sont les dégâts occasionnés par les inondations aux riverains, pendant des siècles. On sait que les travaux de « Correction » du fleuve,  commencés en 1842, et achevés complètement  en 1876, ont mis un terme à cette série de catastrophes et de fléaux : les débordements du Rhin étaient définitivement contenus ; ce qui ne veut pas dire qu’il n’y eut plus de crues du fleuve.

Voici donc quelques villages d’Alsace détruits par les inondations du Rhin.

Butenheim

Ce village se situe entre Hombourg et Petit-Landau, sur le ban de cette dernière commune, dans le Département du Haut-Rhin. Un état de 1303 énumérant les revenus autrichiens en Alsace, cite les villages de Hombourg, Butenheim et Landau. Le village existait encore en 1441, d’après le « Liber Marcarum », et avait son église, sous le patronage de Saint Martin. Le village a dû disparaître peu après, détruit par une inondation du Rhin.
L’église resta debout jusqu’en 1470, date à laquelle elle fut abandonnée. L’emplacement de cet ancien village, au Sud des ruines du château de Butenheim, s’appelle « Altdorf ».
Le château de Butenheim, qui se trouvait donc à côté de ce village, est lui-même cité dès 1191 ; il a disparu complètement lors de la Révolution de 1789 : il ne reste aujourd’hui qu’un petit monticule de pierres et de terre.

L’église des brumes

Il y a fort longtemps de cela, entre Kembs et Niffer, dans le Département du Haut-Rhin, sur une île du Rhin, où ne poussaient que des roseaux et des broussailles, surgissait parfois de la brume, vers minuit, à l’époque de l’Avent, une petite église. Une apparition fantoma-tique qui, par le jeu des eaux et du brouillard, semblait tressaillir et bouger. On l’appelait « l’Eglise des brumes ». On ne savait pas grand-chose à son sujet, mais d’aucuns prétendaient que cette petite église était là tout ce qui restait d’un village noyé et détruit lors d’une crue du Rhin. Une nuit, deux jeunes gens de Kembs, firent le pari d’aller la visiter, lorsqu’elle apparaîtrait. Lorsqu’ils abordèrent l’île, l’église disparut, et ils la cherchèrent en vain. Aujourd’hui, l’île a disparu, et avec elle « l’église des brumes » et les restes de ce village englouti.

Sappenheim

On situe ce village au Sud de  Bantzenheim, dans le Canton de Habsheim, département du Haut-Rhin. Le couvent de Luxeuil y possédait des biens  en 815, ce qui montre  l’ancienneté du village. Possession des Habsburg depuis 1227, Sappenheim est cité, comme l’était entre autres Butenheim, dans  l’état des revenus autrichiens en Alsace de 1303. Le village aurait été détruit en 1394 par une inondation du Rhin, mais sans doute partiellement, car le « Liber Marcarum »,  mentionne encore Sappenheim comme paroisse, avec un vicaire, en 1441. La commune ne semble plus exister en 1478.
L’église de Sappenheim était sous le patronage de l’Ordre teutonique de Guebviller, d’une part, et du Couvent Engelporten du même endroit, d’autre part.
Deux noms de cantons ruraux, le Sappenheimerbann, et la Sappenheimerrain, rappellent le  souvenir de cette localité disparue.

Tiernheim

On ne sait pas grand’chose de ce village disparu. Le pèlerinage « Notre Dame des Sept Douleurs » de Thiershurst, près de Heiteren et de Balgau, dans le Département du Haut-Rhin, s’élève sur l’emplacement du village disparu de Tiernheim, détruit une première fois par les « Anglais » en 1366, reconstruit, puis dévasté par les inondations du Rhin en 1391 et 1394.

Kunheim

L’ancien village de Kunheim, Département du Haut-Rhin, un peu au Nord de Neuf-Brisach, a été détruit par un « sapement » du Rhin, beaucoup plus tard. Ainsi en témoigne le Professeur Aufschlager, natif de Kunheim : « Je naquis le 3 décembre 1766 à Kunheim … situé sur les bords du Rhin, entre Marckolsheim et Neuf-Brisach. Peu de temps après ma naissance, mon berceau fut englouti par le Rhin et enseveli sous un banc de graviers … Dès 1770 mes parents transférèrent leur domicile dans le village neuf qui a été bâti … le long de la route du Rhin ».
Différents témoignages, cités par Jean Vogt, font état de la destruction de cette localité : il ne s’agit donc pas vraiment d’une inondation, mais d’une érosion progressive de la berge du Rhin dans une courbe du fleuve.

Des quêtes sont organisées pour aider à la reconstruction du village, dès 1767, puis l’année suivante.

L’ancien village de  Kunheim déménage donc à l’Ouest de la Route du Rhin, en 1770-1771.

Écluse de Kunheim
Hammerstatt

On situe le village disparu de Hammerstatt, jadis Hamarisstad, au bord du Rhin, entre Blodelsheim et Rumersheim, Département du Haut-Rhin. Le « Liber Marcarum » ( 1441 ) cite « Hamerstat » comme recto-rat, avec un vicaire ; l’église est sous le patronage de St Eligius. D’après diverses sources non concordantes,  le village de Hammerstatt aurait été détruit soit par les Armagnacs, soit au cours de la Guerre de Trente Ans, soit à la suite des débordements du Rhin. La ferme proche, Hammerstatter Meierhof, appartenant aux jésuites de Ensisheim, a été incendiée pendant la Révolution.
Une croix, dite Hammerstatter Kreuz, au bord de la Route du Rhin, rappelle le souvenir de ce volage disparu.

Le Couvent de Honau

A  quelques kilomètres de Strasbourg, à l’Est de la Wantzenau, une abbaye se trouvait implantée sur une île du Rhin : le Couvent de Honau. Des moines écossais et irlandais s’étaient établis là au moins depuis le début du VIIIe siècle, mais peut être dès le VIe siècle. Sous la direction de l’abbé Benedict, ils avaient construit une église, dédiée à St Michel ( 6 ). Ils partageaient leur temps entre les travaux manuels et la conversion des païens. Ils furent richement dotés par les frères de Sainte Odile, les fils du comte d’Alsace, Attich. Le nombre de moines augmentant, plusieurs groupes quittèrent le couvent de Honau pour fonder d’autres monastères ailleurs. Vers la fin du XIe siècle, le couvent fut transformé en canonicat.

Mais voilà qu’à la fin du XIIIe siècle, à la suite de crues successives, plus violentes les unes que les autres, le Rhin emporta peu à peu les terres de l’île sur laquelle se trouvait le couvent de Honau. On connait en effet plusieurs crues dévastatrices en cette fin de siècle : en 1286, les glaces charriées par le fleuve dévastent plusieurs villages, en 1288, puis en 1290, le Rhin déborde quatre fois avant la Nativité, en 1292 puis en 1295, le Rhin change son cours au droit de Brisach, séparant celle ville de l’Alsace.

Il faut dire à ce sujet, et entre parenthèses, que cette thèse est contestée de nos jours. D’aucuns pensent que Brisach a toujours été implantée sur la rive droite du cours principal du Rhin, et que ce n’était qu’un petit bras ou un faux bras du fleuve qui coulait à l’Est de la ville, peut-être même de façon intermittente. Ce bras ou ce faux bras aurait disparu à l’occasion d’une crue, ou il se serait comblé d’alluvions, ce qui aurait accrédité la thèse du changement de rive de (Vieux) Brisach ( d’après M. Pétry, Directeur des Antiquités d’Alsace à Strasbourg )

Le Couvent de Rhinau

Cela dit, les moines et chanoines durent déguerpir. Le site même  du couvent disparut. Ces moines furent autorisés par l’évêque de Strasbourg, Conrad III de Lichtenberg, évêque de 1273 à 1299, à établir un nouveau couvent sur les bords du Rhin, à Rhinau, dans le Haut-Rhin. Mais là, la même mésaventure les attendait un siècle plus tard, vers 1398 : leur couvent fut également englouti par les eaux du fleuve. Au mois de décembre 1749, les eaux du Rhin étant exceptionnellement basses, on crut pouvoir distinguer les restes de l’ancien couvent. Finalement les moines se réfugièrent à St-Pierre-le-Vieux à Strasbourg.

La légende s’est emparée de ces faits historiques.

Les moines de Rhinau, dit-on, menaient jadis joyeuse vie en ce lieu, allant jusqu’à rançonner les pèlerins tran-sitant sur le Rhin, et piller les maigres bien des paysans d’alentours. Par le portail du monastère, entraient les futailles des meilleurs vins, les plus belles gerbes de blé, et les plus gros légumes, sans oublier les plus beaux fruits. Pis encore, la nuit venue, les moines conviaient au couvent, par la force, les plus jolies filles du village voisin, contraintes de venir danser avec eux avant de se laisser lutiner en de discrètes chambrettes, sans quoi leurs familles se voyaient mettre à l’amende !
Au cours de telles soirées de beuveries et de débauches, les moines se disputaient en jouant aux dés et aux tarots, puis en venaient aux mains, chacun voulant gagner aux jeux, ou encore ils s’arrachaient les filles dépoitraillées assises sur leurs genoux, chacun voulant la plus aguichante pour son lit.

Une nuit, alors que deux des meilleurs joueurs avaient engagé une partie de cartes, tous les moines vinrent se presser autour d’eux, même celui qui se trouvait être de garde devant le tabernacle du Saint-Sacrement. Lorsqu’ à la vingt-troisième heure, la lampe éternelle s’éteignit sur l’autel, faute d’huile, sa mèche grésilla longtemps avant de se figer définitivement. Alors seulement le verre rouge de la lampe éclata en même temps que la colère divine.

Dans l’instant même, le Rhin charriant une crue exceptionnelle, rompit la digue de l’abbaye, s’engouffra en tourbillonnant dans le monastère par les portes et les fenêtres, balaya le cloître, submergea la salle de jeux où restaient enfermés les moines, et noya tout le monde, à l’exception du frère jardinier, un peu simple d’esprit, incapable de mal. A l’aube ce dernier parvint à donner l’alerte dans Rhinau, en sonnant le tocsin dans le clocher  branlant qui restait encore debout, suppliant à grands cris que l’on vienne secourir les moines prisonniers. Mais les villageois, la haine et le mépris au cœur envers ceux-ci, se gardèrent bien d’intervenir.

Bien des jours après cette inondation intempestive, les eaux s’étant retirées, on se préoccupa quand même d’aller donner aux moines une sépulture chrétienne. Aucun ne fut retrouvé. Le fleuve vengeur et justicier les avait tous emportés. Quant à ce qui restait de l’abbaye, minée et sapée par la violence des eaux déchaînées du Rhin, tout s’écroula entièrement. Certains y virent, à juste raison, un jugement de Dieu.

Le promeneur attardé sur la berge du Rhin peut, s’il attend l’heure de minuit, assister à un étrange spectacle. En même temps que sonne l’heure au clocher de Rhinau, ses douze coups sonnent au fond du fleuve… Alors émergent des eaux des ombres encapuchonnées, des moines en coule noire, capuche baissée, tenant un cierge en main, qui se rangent en double file. Le prieur en tête allume son cierge, puis il transmet la flamme au second, et ainsi de suite. Les moines s’agenouillent en demi-cercle à l’emplacement de leur abbaye disparue, se frappant la poitrine, demandant pardon à Dieu et aux hommes de leur vie dissolue, des heures durant, jusqu’à l’extinction de leurs cierges. Sur la berge, les ombres noires se replacent alors en double file, et regagnent les profondeurs des eaux du fleuve.
Il paraît que le lendemain de telles manifestations d’outre tombe, on trouve par terre sur la berge du Rhin, en quantité, les débris des cierges consumés ; les ramasser porterait malheur.

Hundsfelden

Quant au village disparu de Hundsfelden, ou encore Hunesveldt, il se  trouvait sur la rive droite du Rhin, un peu amont de Kehl. C’était l’une des têtes de pont du bac amont sur le fleuve.

Une partie du finage de ce village s’étendait sur la rive gauche du Rhin, en Alsace donc, et comprenait le Neuhof, intégré maintenant au territoire de la ville de Strasbourg. De bonnes relations commerciales liaient Strasbourg et Hundsfelden, notamment avec les maraîchers de ce village d’outre Rhin.

Mais ce dernier était cependant régulièrement envahi par les eaux des crues, et sa situation fut toujours précaire. Après la construction du pont fixe sur le Rhin, en 1388, le bac amont et le village de Hundsfelden perdirent de leur importance ; le village périclita. En 1482, il ne restait qu’une trentaine de maisons. Finalement le village tout entier, c’est-à-dire ce qu’il en restait, fut emporté par la forte crue de 1570, et disparut complètement.

La crue de la St Nicolas 1570 ( 6 décembre ), submergea une grande partie de Strasbourg, « une grande quantité de lièvres s’étaient réfugiés dans les arbres », dit le chroniqueur Kleinlawel.

Dumenheim/Thumenau

On ne sait pas grand-chose de ce village  disparu, situé à 2 km au Sud de Plobsheim ( Bas Rhin ), qui fut emporté, avec le château voisin, par une inondation du Rhin au XIVe siècle.

Gugelingen

Ce village disparu, situé près d’Offendorf ( Bas Rhin ), est mentionné pour la première fois en 1335. Ses habitants vivaient essentiellement de la pêche et de l’orpaillage au bord du Rhin. Menacée par les inondations du fleuve, cette localité fut progressivement abandonnée, pour disparaître vers le milieu du XVIe siècle.

Daxland

En 1651/1652 le village de Daxland, non loin de Lauterbourg, fut attaqué si vivement ( par une crue du Rhin ) que les maisons furent détruites, l’église entourée par le fleuve, les cercueils entraînés par les eaux. Les hommes de l’art appelés jugèrent que le seul moyen de salut consistait dans le détournement du Rhin par une large coupure et une levée dirigeant le courant sur un fonds de l’électeur Charles-Louis, qui y consentit contre dédommagement en terrains remplaçant le nouveau lit ( ainsi ) cédé.

Neukirch

Cette localité, située près d’Offendorf, aurait disparue au cours des débordements du Rhin en Juillet 1480.
On sait en effet, qu’après de longues pluies et une fonte des neiges subite, une terrible crue du Rhin et d’autres fleuves d’Allemagne et d’Italie, sévit à ce moment-là. On la nomma « Le déluge du Rhin », Die Rhein Eintflut . L’Ill et la Bruche étaient également en crue simultanée. Toutes les rues de Strasbourg furent submergées ;  les habitants des bas quartiers furent contraints de se réfugier dans les greniers des maisons pour sauver leur vie. La Tour de Pierre sapée par les eaux, s’effondra. Cent cinquante maisons furent détruites ; des moulins et des ponts furent emportés, les remparts de la ville s’écroulèrent en partie. L’inondation s’étendait dans un rayon de 30 km autour de la ville et dura huit jours. « Ce ne fut qu’après un mois que les eaux rentrèrent définitivement dans leur lit, laissant des champs dévastés, couverts de cadavres d’hommes et d’animaux, de débris d’habitation et d’arbres déracinés. Des maladies et des épidémies, avec la disette et la famine, en furent la suite ».

Abbaye de Seltz

En 968, Othon 1er, premier  empereur du Saint Empire, accorda en douaire en faveur de son épouse Adélaïde, cinq cours royales, dont celle de Seltz, qui comprenait la ville elle-même et une  quinzaine de localités situées sur les deux rives du Rhin.

Adélaïde fit construire une abbaye en 987, sur un ancien bras de la Moder, non loin du Rhin, et y installa des moines bénédictins, qui relevaient directement de l’Empire. Le premier abbé venait de l’Abbaye de Cluny. Othon III, petit-fils de la fondatrice, plaça l’abbaye sous sa  protection ( 992 ). Adélaïde, retirée à Seltz, y mou-rut en 999, et fut inhumée dans l’église abbatiale. L’abbaye de Seltz reçut le droit de marché, de péage et de battre monnaie. Une certaine rivalité existait entre la Ville de Seltz et l’Abbaye. En  1258, celle-ci fut partiellement incendiée par les strasbourgeois, pour avoir abrité quelques uns de leurs ennemis.

Statue d’Adélaïde à Seltz.

D’après le Jahrspruch de 1310, nous savons que l’abbaye exploitait un bac sur le Rhin.

En 1307, une inondation particulièrement violente détruisit l’Abbaye, qui avait été restaurée. Les moines se réfugièrent alors à l’annexe de Mirmelsberg, sans doute à titre provisoire, car ils reconstruisirent leur abbaye sur la rive droite du Seltzbach, qui perdura au-delà de la Réforme.

Abbaye de Mirmelsberg

L’abbaye de l’ordre des religieuses bénédictines de Mirmelsberg, près de Seltz, en bordure du Rhin, fut fondée en 1197 par les moines de l’Abbaye de Seltz, comme annexe de cette dernière. Après la destruction de cette abbaye par une inondation du Rhin en avril 1469, les biens de celle-ci retournèrent à l’abbaye fondatrice de Seltz.

Les  bénédictines trouvèrent refuge à l’Abbaye de Billigheim, dans le Palatinat, elle-même fondée vers l’an 1.000 par l’évêque Henri de Würzburg.

Un lieudit « Klosters » près de Seltz,  conserve le souvenir de cette abbaye disparue.

Ottenkeln

Je signale cette localité disparue, près de Strasbourg, au bord de l’Ill, à proximité de l’actuelle Montagne-Verte. Mentionnée pour la première fois en 1162, et pour la dernière en 1447. La disparition de Ottenkeln est sans doute consécutive aux débordements de l’Ill : les crues de l’Ill sont souvent concomitantes avec celles du Rhin.

Peu de temps plus tard, en 1453, une crue de  l’Ill emporta un moulin hydraulique à farine qui se trouvait à val de  la  Porte des Pêcheurs à Strasbourg.

Greffern

Le Village de Greffern est situé en rive droite, du Rhin, au droit de Drusenheim : un bac relie actuellement les deux villages. Les crues du Rhin furent à l’origine de nombreux désagréments, qui contraignirent les habitants de Greffern à se déplacer successivement quatre fois  entre le XVe et le XVIIe siècle, pour s’établir plus en retrait du fleuve. On rapporte que les  flots  entraient parfois dans les maisons par les fenêtres jusqu’à « hauteur d’homme ».

Mackenheim

Ce village, du canton de Marckolsheim, est aujourd’hui situé à quelque deux Kilomètres du Rhin.

Le 31 décembre 1801, le village est dévasté par une forte crue du Rhin ; des victimes sont à déplorer ; 32 maisons sont emportées par l’inondation, et 77 sont endommagées. Un demi-siècle plus  tard, le 19 septembre 1852, à la suite d’une rupture de la digue du Rhin due à une forte crue, 19 maisons sont détruites. A la suite de cette catastrophe, un nouveau quartier a vu le jour, avec la construction d’une quinzaine de maisons, financée par souscription, dont un don extraordinaire du Prince-Président Louis Napoléon Bonaparte : ce quartier s’appelle toujours « Quartier Napoléon ».

Neuenburg-am-Rhein

Ce village en rive droite du Rhin, en Bade-Wurtemberg, district de Fribourg-en-Brisgau, est situé au droit du village de Chalampé (Haut-Rhin) : un pont sur le Rhin relie les deux villages.

En 1496, Neuenburg est dévasté par  une crue du Rhin ; le roi Maximilien offre des terres à la cité pour la reconstruction du village.
En 1525, les flots du Rhin en crue détruisent à nouveau la moitié du village.

Gerstheim

Ce village du Bas-Rhin est situé à une vingtaine de km au Sud de Strasbourg.

Lors de la crue de septembre 1852, le débit du Rhin a atteint 5.600 mètres-cubes par seconde au droit du village, qui est envahi par les eaux du fleuve : 8 maisons et 19 dépendances se sont écroulées, tandis que 48 maisons sont gravement endommagées ; 423 personnes sont sans abri, soit le quart de la population du village ; toutes les récoltes du ban communal sont détruites.

Avec moins d’intensité que les inondations, à caractère « dynamique », la disparition de certains villages est liée à la présence « statique » de l’eau, ou à son absence.

L’extension d’un marais a rendu intenable la situation de Giebichwiller, sur la Moder, près d’Ingwiller. L’étang que Simunt de Lichtenberg y établit vers 1363-1364, finit par recouvrir de nombreuses prairies, et rendit le terrain marécageux et très malsain. Le village disparut vers 1461.

A Elbersforst, dans les Vosges, près de Balbronn, c’est peut être le manque d’eau qui a fait disparaître le village. Les deux ruisseaux au confluent desquels le village était situé, et dont l’un porte le nom significatif de « Dürrenbach », étaient presque toujours à sec. Le village disparut au XVIIIème siècle.

Quant au monastère d’Arnulfsau, fondé vers 724, situé sur une île du Rhin au droit de Drusenheim, nommée « Kotzenhausen-Werth », que d’aucuns prétendent avoir été détruit par une crue du Rhin, construit en bois, il fut en réalité anéanti par un incendie en 815. Il fut reconstruit en rive droite du Rhin à  Schwarzach.

On signale  encore quelques villages en rive droite du Rhin, détruits par une inondation du Rhin : Tringheim, Thumhausen, Mufflenheim à mont de Seltz, au sujet desquels  nous n’avons pas plus de rensei-gnements.

Ainsi les villages détruits par les inondations du Rhin sont-ils en nombre relativement limité, parmi tous les villages disparus d’Alsace.

Dans le cadre de ces « dégâts des eaux », il faudrait sans doute inclure les villages et les châteaux engloutis dans les lacs légendaires …     Mais c’est une autre histoire …

Pour en savoir plus
L.G. Werner – « Les villages  disparus de la Haute-Alsace »- Bulletin de la Société Industrielle de Mulhouse, BSIM, Avril 1914 ( L’arrondissement de Mulhouse – 32 pp. )
Maurice Champion – Les inondations en France depuis le 6ème siècle jusqu’à nos jours – Editions Dunod,  1863, 6 vol. – Le vol. 5 est consacré au bassin du Rhin.
Liber Marcarum, ou « Etat de l’ancien Evêché de Bâle », 1441 – Traduction et commentaires de MM. Trouillat et Vautrey, Porrentruy, 1852
Roger Maudhuy – Contes et légendes d’Alsace – Edition Place Stanislas, 2009
Jean-Frédéric Aufschlager – « Les souvenirs d’un  vieux professeur strasbourgeois » Strasbourg, 1893.  Cité par Jean Vogt : La destruction du village de Kunheim par un sapement du Rhin à partir de 1765 – Bulamure, 1993-5, pp. 49-50.
Jean Variot – Légendes et traditions orales d’Alsace Paris 1920, vol. III, pp. 43-45.
Armand Durlewanger – Au rendez-vous de la légende alsacienne – 64 légendes du Moyen-Age à nos jours – Editions SAEP, Ingersheim, 1980.
G. Altenbach & B. Legrais – Lieux magiques et sacrés d’Alsace et des Vosges – Editions du Rhin, 1983, p. 98.
André Humm – Villages disparus en Basse Alsace – XIIe – XVIIe siècles – Editions Istra, 1971
Description du Département du Bas-Rhin, sous les auspices de M. Migneret, Préfet – Strasbourg, 1864, p. 242/243.
Hermann Bannasch – Zur Gründung und älteren Geschichte des Benediktinerkloster Selz im Elsass- Zeitschrift Oberrhein 117, 1969, pp. 97-160.
L. Pfleger – Das ehemalige Frauenkloster Mirmels-berg bei Seltz – Bulletin ecclésiastique, 1901, pp. 419-424
( 10 ) – André Humm – Villages disparus d‘Alsace – Cahier 37-39 de la SHASE – Saverne – I-II 1962.
Pierre Perny – Drusenheim, deux destins, le Rhin et les guerres – P. Perny Editeur, 1985, pp. 48-50