Sommaire
Naissance de Louis XIV
A la naissance du fils de Louis XIII et d’Anne d’Autriche, le 5 septembre 1638, les astrologues de l’époque dressèrent l’horoscope du futur roi, dont faisait partie ce talisman, un carré magique d’ordre n = 6. La médaille correspondante se trouve à la Bibliothèque Nationale à Paris, au Département des médailles et des antiquités ; elle aurait été offerte au futur Louis XIV par Louis-Victor-Marie, duc d’Aumont (1632-1704).
Une description détaillée du médaillon fut faite pendant la séance du mardi 13 décembre 1701 à l’Académie royale des Inscriptions et Médailles, retranscrite dans les Comptes-rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres en 1969.
Quelques extraits:
Le roi a le Soleil sur la tête touchant immédiatement sa couronne ; la médaille a pour toute légende le mot SOL, qui fait voir que l’auteur du talisman a voulu soumettre ce prince à l’ascendance du Soleil. Il y paraît jeune, et dans l’âge qu’il était quand la médaille fut frappée.
….
D’un côté on voit les caractères astronomiques du Bélier et du Lion, qui sont les deux principaux signes et domiciles du Soleil auxquels on met le roi. Le Bélier est le signe où le Soleil montant au-dessus de notre hémisphère, commence à faire sentir sa forme ; c’est pourquoi les astronomes ont donné la plupart le premier rang au signe du Bélier, parce qu’ils le regardaient comme ce qui exprimait le mieux les vertus du Soleil.
….
Pour le revers de la médaille, c’est un carré, ou tablette numérale, qui contient six cellules, dont le nombre radical est six ; la racine carrée six fois six, qui font trente-six ; le nombre de chacun des six rangs est 111. Par conséquent le produit net est 666 ; ces quatre nombres : 6, 36, 111 et 666 sont ceux en faveur du Soleil.
Si sur le sceau solaire, les nombres du carré magique « sont ceux en faveur du soleil », ces mêmes nombres pris isolément, ont une signification redoutable. Le nombre six dans la loi hébraïque est le nombre de l’épreuve, du travail et la de servitude ; quant au nombre 666, c’est celui de la bête de l’Apocalypse.
On observe que dans la quatrième case de la première ligne est gravé le nombre « 24 », alors que le nombre correct aurait dû être « 34 » : ainsi les constantes magiques de la première ligne et de la quatrième colonne sont fausses, soit 101 au lieu de 111.
Cette substitution du nombre 24 au nombre 34, fut-elle une erreur due à l’ignorance du graveur, ou une faute volontaire voulue par l’auteur de ce talisman, qui aurait redouté de placer son roi sous l’influence maléfique du nombre 666, dit « Nombre de la bête », qui est la somme des termes du carré magique correspondant, de constante magique M6 = 111 ?
Une méthode de construction de ce talisman
Dans ce carré magique, on constate que les 18 couples complémentaires de somme S = 37, de la série « 1 – 36 », occupent tous des positions particulières :
1 /36; 2/35; 3/34; 4/33; 5/32; 6/31;
7/30; 8/29; 9/28; 10/27; 11/26; 12/25;
13/24; 14/23; 15/22; 16/21 ; 17/20; 18/19 ;
• soit dans les cases complémentaires des deux diagonales principales, qui sont remplies entièrement, par six couples ;
• soit dans des cases symétriques dans la même ligne ou la même colonne.
Ces propriétés sont concrétisées et rassemblées dans les figures ci-dessous.
Ce qui permet d’envisager une méthode de construction de ce carré magique.
On remplit d’abord les deux diagonales principales, avec des couples symétriques dans les trois groupes (en gras ci-dessous) qui sont à leur place définitive.
1 /36; 2/35; 3/35; 4/33; 5/32; 6/31;
7/30; 8/29; 9/28; 10/27; 11/26; 12/25;
13/24; 14/23; 15/22; 16/21 ; 17/20; 18/19
On remplit ensuite les cases encore inutilisées des lignes et des colonnes avec les autres couples complémentaires, en respectant les propriétés énoncées précédemment, et en ménageant la constante magique de M6 = 111 dans ces lignes et ces colonnes. Un travail d’attention et de patience.
Il y a plusieurs solutions, dont bien sûr le talisman de Louis XIV.
Une autre méthode de construction
Voici une autre méthode de construction du talisman de Louis XIV, qui serait due à de la Hire. Cette méthode passe par deux carrés auxiliaires.
Carré auxiliaire I
On utilise tout d’abord la série « 1, 2, 3, 4, 5, 6 » que l’on place dans les deux diagonales principales.
On complète chaque ligne en plaçant les nombres complémentaires de façon symétrique ;(1 ; 6), (2 ; 5), (3 ; 4).
Dans chaque colonne, on doit retrouver des triplets de nombres complémentaires.
On vérifie que la somme linéaire des lignes, des colonnes et des diagonales principales de ce carré auxiliaire I est S = 21.
Carré auxiliaire II
On utilise ensuite la série « 0, 6, 12, 18, 24, 30 », une progression arithmétique de raison r = 6, que l’on place dans les deux diagonales principales.
On complète la 1re et la 6e ligne avec les couples « 0, 30 ».
On complète la 2e et la 5e ligne avec les couples « 6,24 ».
On complète enfin la 3e et la 4e ligne avec les couples « 12, 18 ».
On vérifie que la somme linéaire des lignes, des colonnes et des diagonales principales de ce carré auxiliaire II est S = 90.
Le talisman magique
On additionne les cases homologues des deux carrés auxiliaires, et l’on obtient le Talisman magique de Louis XIV, un carré magique normal de constante magique M6 = 111.
▶ Michel Criton & René Descombes – Nouvelles approches des carrés magiques -Editions ellipses 2017, Ch. 19. Le talisman de Louis XIV, pp. 185 – 187.
▶ Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Année 1969 113-1 pp. 18-34, Le talisman offert à Louis XIV et le carré magique au XVIIe siècle, texte intégral
▶ Talisman comprenant un carré magique offert à Louis XIV, La France pittoresque, 2021